8 sujets que devraient explorer tous les designers

Rémi Garcia
7 min readSep 14, 2021

--

En tant que designers nous ne pouvons nous contenter d’être de bons techniciens. L’impact de notre métier sur le monde est trop important pour s’y limiter. Nous devons voir plus grand, plus loin, mieux comprendre. À plus forte raison à notre époque qui rencontre de grands enjeux comme le réchauffement climatique, la radicalisation des pensées ou l’injustice sociale.

Nous devons chacun réfléchir à notre discipline, nous poser les questions de son rôle, de son impact, de ce qu’on veut faire avec et surtout à comment nous voulons le faire.

Une première piste est d’accompagner la formation technique par une formation plus… philosophique. Je suis persuadé que les designers gagneraient à aller plus loin, à comprendre le monde qui les entoure, à apprendre à penser.

Je vous propose donc une sélection de disciplines que tout designers devraient explorer.

1 — Biologie & neurosciences

Nous sommes des êtres vivants. Et la biologie c’est justement l’étude des êtres vivants. La biologie nous permet de comprendre comment nous fonctionnons, quels mécanismes sont à l’œuvre dans nos émotions, nos décisions ou tout simplement nos mouvements. L’idée ici n’est pas seulement de s’intéresser à comment marchent nos corps et nos cerveaux mais à comprendre les influences que les uns ont vis-à-vis des autres.

Par exemple, nos hormones ont une incidence sur nos choix, l’adrénaline va nous faire passer en “mode survie” en augmentant notre rythme cardiaque et notre pression en dilatant nos pupilles pour focaliser notre vision, tout ça pour optimiser nos performances physiques.

On peut aussi penser aux travaux de Lisa Feldman Barrett, neuropsychologue et chercheuse qui démontre que nos émotions ne sont pas innées mais construites par notre culture en associant des sensations physiologiques à des concepts mentaux.

Nous devons aussi aller plus loin que la simple étude des biais cognitifs que chérissent tant les designers pour comprendre réellement comment fonctionne l’apprentissage, le système dopaminergique… pour aller vers une vision plus subtile du fonctionnement de notre psychée.

2 — Biologie évolutive

En complément la biologie évolutive, nous permet de prendre du recul. Dans notre univers anthropocentré, nous avons tendance à oublier que beaucoup de nos mécaniques biologiques sont en fait très communes dans le règne du vivant. Nous ne sommes qu’une toute petite feuille au sein de l’arbre du vivant et partageons un lien intemporel avec toutes les autres créatures.

La conscience humaine, par exemple, n’est qu’une spécialisation d’une capacité que possède même la plus primaire des bactéries (qui doit avoir conscience de son environnement pour survivre).

En prenant ce recul, nous pouvons identifier ce qui nous différencie des autres espèces mais surtout ce qui nous y relie.

3 — Anthropologie

Au croisement de l’archéologie et de l’ethnographie, l’anthropologie est un puit sans façon sur les modes d’organisations de l’humanité.

De l’étude des différentes espèces humaines dont nous sommes les derniers représentants, de l’apparition de l’art et de la religiosité, des modes de vies et des points de bascules civilisationnels, ce sont autant d’éléments qui nous permettent de mieux comprendre les tenants et aboutissants de nos vies sociales.

L’humain est à ce jour la seule créature à avoir développé une sensibilité symbolique et cette sensibilité à façonné notre vision du monde.

Yuval Noah Harari, l’explique dans Sapiens sous l’idée que l’humain est spécifique du règne animal dans sa capacité à croire réels des faits imaginaires.

Tous nos modèles mentaux sont basés sur cette idée.

La séparation nature/culture, l’importance de l’argent, la créations de Dieux, le concept de hiérarchie sociale,l’inéluctabilité de la sédentarisation et de l’agriculture…. sont autant d’exemples de ce trait particulier qui transforme nos modes de vie.

Et tous ces modèles mentaux peuvent être remis en question, notamment à travers les modèles des nombreuses autres populations primitives ou non qui peuplent notre planète.

4 — Sociologie

Si l’anthropologie permet d’offrir une vision du passé et de remettre en question des idées préconçues, la sociologie est ce qui nous permet de comprendre le présent et les spécificités de l’organisation sociale de notre société occidentale.

La sociologie est une porte ouverte sur les modes de vie spécifiques de certains groupes (pauvres, élites, religieux, adolescents…), nous offre la possibilité de prendre conscience des structures inhérentes qui les influencent (comme le fonctionnalisme ou le constructivisme social).

Mais la sociologie permet aussi de se faire une idée concrète sur l’état des lieux de notre société à travers les divers rapports sur la pauvreté, la santé, le racisme, l’emploi, les tendances politiques…

Ces états des lieux sont de vraies boussoles sur les tendances qui sous-tendent nos vies.

5 — Écologie & collapsologie

Je sais que la collapsologie n’a pas le vent en poupe. C’est un truc de survivalistes dépressifs qui rêvent de la fin du monde. Enfin c’est qu’on la dépeint. Car si j’accole collapsologie et écologie c’est bien pour une raison.

L’écologie est l’étude des systèmes qui relient le vivant mais aussi à son environnement. On parle des interactions de prédations, de relations symbiotiques, de la structure des groupes, de l’influence qu’a le milieu de vie, le cycle des saisons …

La collapsologie fait la même chose mais à l’échelle humaine. La relation des humains avec tout ce qui fait sa société. Économie, politique, climat, le reste du vivant…. La collapsologie cherche à comprendre les limites de ce système fragile, à découvrir les points de bascule qui pourraient provoquer une coupure civilisationnelle comme c’est déjà arrivé dans le passé pour les romains ou les mayas.

Non pas dans le but d’y parvenir ou de faire peur à tout le monde mais bien pour prévenir. (Le problème avec la collapsologie c’est que nous avons bien foutu le bordel et que la discipline montre que la situation est critique et qu’il y a de fortes que ça tourne mal si on continue comme ça)

Et c’est en comprenant l’impact de ce que nous faisons, dans une pensée systémique, que nous pouvons éviter de faire des choses qui causeront plus de tort que de bien.

6 — Histoire politique et philosophique du design

Le design est le véhicule d’une idéologie. La façon dont nous le pratiquons aujourd’hui n’est pas une vérité absolue. Ce n’est qu’une approche parmi d’autres. Étudier l’histoire politique et philosophique du design permet de le comprendre et surtout d’avoir connaissance des différents courants. De refaire la généalogie de la vision actuelle du design et saisir ce qui ne va pas pour l’améliorer.

En tant que designers, nous devons saisir que nous sommes des acteurs politiques, dans le sens où ce que nous concevons à un impact sur les gens et donc sur la société voire sur le monde.

7 — Études et pratiques des autres designs

Au même titre que le design est le véhicule d’une idéologie, il existe plusieurs formes de designs. L’art, l’artisanat, les industries du divertissement, l’ingénierie… ce sont autant de façons de faire du design.

En explorant tous ces domaines nous pouvons créer des ponts entre ces disciplines, les combiner pour créer quelque chose de nouveau.

Le meilleur exemple est le travail des Imagineers de Disney qui étaient à la base de simples dessinateurs d’animation, des artistes et qui ont dû acquérir des connaissances en ingénierie, en architecture, en artisanat pour créer une nouvelle forme de design.

En nous ouvrant aux autres métiers, en les accueillant plutôt qu’en les rejetant, il est fort à parier que nous pourrons créer de grandes choses.

8 — Modes de pensée et de réflexions

Une part importante du design se passe dans nos esprits, pourtant peu d’entre nous ont été formé à la pensée. Comment réfléchir ? Comment être plus créatifs ? Comment penser ? S’éduquer ? Il existe pourtant des méthodes qui permettent de le faire mieux. De penser plus largement, de saisir les systèmes, d’imaginer d’autres modèles, de mieux comprendre les modèles existants… En tant que créateurs de pensée, n’est-il pas important d’apprendre à le faire du mieux que nous le pouvons ?

Ces 8 sujets sont très primordiaux dans la construction d’une pensée plus complète du design. Pourtant il en reste un qui doit se loger en centre de tous les autres. Un sujet bonus.

9- L’esprit rebelle

Le design est parfois dogmatique. À plus forte raison dans ces approches centrées utilisateurs ou proche du design thinking qui voit dans la méthode et la technique le coeur du design. Tous les sujets présentés ci-dessus leur apporteront beaucoup dans le cadre de leur métier mais il faut aller plus loin. Prendre du recul, faire un pas de côté. Les designers doivent oeuvrer pour changer le monde, pour créer le futur et ce n’est pas en restant dans les méthodes du monde actuel que nous pourrons y arriver. Il faut prendre du recul, faire un pas de côté.

Photo by Tarik Haiga on Unsplash

En tant que designers, nous devons développer un esprit de rebellion, une vision du monde différente, remettre en question le statu quo de notre discipline pour créer de nouvelles façons de faire et d’être.

Nous devons être des révolutionnaires, des hackers, des punks. Étudier ceux qui ont fait différemment, comprendre leurs stratégies, créer une contre-culture du design.

Merci d’avoir lu cet article. Si il t’a plu n’hésite pas à lui donner un (ou plusieurs) clap 👏 ,à le partager à des personnes que cela pourrais intéresser ou à t’abonner à mes publications. Ça m’aide vraiment. Merci beaucoup.

Si tu t’intéresses au design, tu peux t’inscrire à DEEX, ma “school-letter” qui décortique le design.

--

--

Rémi Garcia

Designer d’expérience un peu rebelle, passionné d’éducation, touche-à-tout, illustrateur et auteur à ses heures perdues. Geek dans la vraie vie.